Salut Pippo, merci de prendre un peu de temps pour nous parler de Grosseto et de ta carrière de joueur. Déjà, est-ce que tu peux te présenter pour nos lecteurs français ?
Je m’appelle Filippo Boccardi, je suis né à Grosseto et j’ai commencé à jouer au foot à l’âge de 4 ans dans le petit club de Saurorispescia, un des quartiers de la ville.
Comme tu es formé au club, tu es une sorte de « bandiera » du Grosseto. Qu’est-ce que cela signifie pour toi de jouer pour cette équipe ? Est-ce que tu as une relation spéciale avec les tifosi ?
Pour moi, jouer pour Grosseto c’est d’abord une grande et unique émotion. Jouer pour le club de sa ville m’emplit de fierté et je le vois comme un honneur. En ce qui concerne mon rapport avec les tifosi, on est très proches au point de s’appeler régulièrement au téléphone avec les capi des ultras, qui sont des amis.
Quels sont tes premiers souvenirs de Grosseto ? Les saisons en Serie B dans les années 2000 ?
Je me souviens particulièrement de l’époque où le club était en Serie B car j’étais ramasseur de balle à chaque match ! Bien sûr, je me souviens aussi de la montée en Serie B… et de notre échec aux playoffs, en 2009.
Tu avais un joueur préféré à l’époque ? Une sorte de modèle ?
Mauricio Pinilla (attaquant international chilien passé par Palermo et le Cagliari, NDLA) était une des mes idoles… surtout parce que la saison où il a joué pour nous, il a pratiquement marqué plus de buts que joué de matchs (24 buts en 25 matchs) !
Cette saison est réellement ta première comme footballeur professionnel à ce niveau (Serie C). Pour toi, qu’est-ce qui change réellement ?
Je ne pense pas que le niveau change réellement, c’est plus une question d’intensité, de préparation des adversaires et de rythme.
Parle-nous un peu du quotidien d’un joueur de Serie C.
La vie est un peu monotone vu que l’on s’entraîne tous les jours, même le samedi, et que l’on joue le dimanche. A chaque déplacement, on part généralement une journée avant. Et sur mon temps libre, en ce moment pas beaucoup de choix : c’est simple, je reste à la maison.
C’est une saison particulière avec la COVID, est-ce que ça pèse de jouer sans les tifosi ?
La Covid a tout changé. Déjà, les matchs à huit clos donnent l’impression de jouer en amical, c’est difficile de jouer sans les ultras car tu dois te motiver seul et tu ne peux pas compter sur eux pour te donner le coup de pouce nécessaire dans certains moments des matchs…
Filippo Boccardi est le symbole de ce Grosseto familial, populaire, à dimension humaine. Crédit photo : Il Giorno
Repassons au terrain si tu veux bien. Quand on voit l’équipe jouer, on n’a pas vraiment l’impression que vous venez d’être promus de Serie D. On vous voit lutter ensemble sans jamais baisser les bras. Tu peux nous raconter comment fonctionne le groupe ?
C’est simple, c’est le secret de notre succès depuis quelques années ! On est très unis, très proches en dehors du terrain et ça se voit pendant les matchs. On a réussi à bien intégrer les nouvelles recrues.
On a souvent l’idée que la Serie C est un championnat assez homogène, car pauvre tactiquement. Pourtant quand on vous voit jouer, on remarque que l’équipe est très souple en étant capable de changer de schéma de jeu plusieurs fois pendant un match.
C’est vrai, Il Mister nous demande de jouer en 4-3-1-2 mais on passe souvent en 3-5-2 pour avoir un défenseur de plus et conserver un avantage… ou pour tenter de reprendre la maîtrise du match.
Vous avez fait une belle première partie de championnat, l’objectif du maintien devient de plus en plus crédible, j’imagine que vous avez de plus grandes ambitions ? (à l’époque de l’interview, Grosseto était neuvième en zone playoffs).
Notre objectif c’est avant tout le maintien. Mais après, vu qu’on prend match après match, si on arrive en playoffs alors ça sera une magnifique récompense. Mais je le répète, notre premier objectif est de réussir à nous sauver !
Revenons au club. Etant de Grosseto, j’imagine que tu as un rapport particulier avec le vice-président qui était un ultra ?
Oui, on a une très bonne relation ! Son passé d’ultra fait qu’il est très direct avec nous. Il nous demande de « suer » pour le maillot et de donner le maximum à chaque match.
Le plan de la famille Ceri pour le club est intimement lié à la ville. Il y a cette volonté de faire grandir le calcio à Grosseto pour les jeunes de la ville. Selon toi, cette question d’identité, pour un club, c’est important ?
Oui, je pense que l’identité est très importante, ça doit être l’épine dorsale de l’équipe qui est composée de personnes de Grosseto. Il est normal pour nous, les locaux, que ce maillot ait un poids différent et qu’on ait aussi ce désir de tout donner à chacun de nos matchs. Regarde, de nombreux journalistes locaux me qualifient d’ « exemple » pour les enfants de la ville. Il n’y a pas plus grand honneur pour moi vu que j’étais l’un d’eux il y a seulement quelques années ! Je souhaite à tous de pouvoir jouer un jour avec le maillot de leur ville.
Dernière question : ton contrat se termine à la fin de la saison, qu’est ce-que tu prévois pour la suite ?
D’abord, je souhaite que le club se sauve le plus rapidement possible, et pourquoi pas dans la première partie du classement. Après pour moi, l’important c’est de bien s’entraîner afin d’être performant le dimanche.Nous verrons pour l’avenir.
Nous vous avions laissés, il y a deux mois de cela, sur une présentation générale du club et les raisons qui nous ont poussés à conclure ce partenariat avec l’US Grosseto 1912. Depuis, le COVID est toujours là… et malgré ça, la saison de Serie C est déjà bien entamée : 10 matchs qui auront permis à nos Maremmani de montrer de belles promesses et même d’occuper le haut du classement pendant quelques jours. Retour sur ces premiers mois de compétition et état des lieux d’une équipe aux moyens limités mais qui devrait en surprendre plus d’un cette saison…
DE l’ART DE RECRUTER EN SERIE C
Quand on n’a pas de moyens, il faut de bonnes idées et un bon réseau. C’est comme cela que l’on pourrait résumer le mercato en division inférieure. Contrairement à une partie de Football Manager, il n’est pas question de trouver facilement des pépites dans les centres de formations, ou de signer des anciennes gloires Sud-Américaines de plus de 35 ans. Ici, tout est question d’équilibre. Le club ne voulant pas alourdir sa masse salariale inutilement, il cherche surtout des joueurs pouvant intégrer facilement un effectif déjà bien soudé après deux montées successives ; et surtout composé à majorité de joueurs qui n’étaient auparavant que de simples amateurs. C’est en suivant cette politique que le club a refusé plusieurs ex-joueurs expérimentés de Serie B (voir même de A), ou encore certains jeunes présentés comme prometteurs par les médias, afin de préserver l’unité d’un groupe sain et très uni. Le directeur sportif Vincenzo Minguzzi, qui a déjà connu la Serie C avec Rieti l’année dernière, nous explique la stratégie du club : « Le marché des prêts est rendu possible grâce aux relations avec les agents et les clubs de B et A. La crédibilité de Grosseto et son projet de promouvoir de jeunes joueurs rentre aussi en jeu. Les prêts sont évidemment un moyen de valoriser les jeunes des autres et de partager les salaires avec leurs clubs ».
Ce sont donc 20 nouveaux joueurs qui sont arrivés pour compléter l’effectif et doubler les postes. Des prêts de jeunes du Napoli, Venezia, de l’Atalanta, de la Samp ou encore de la Lazio avec le jeune défenseur central international Albanais Kalaj. Concernant les nouvelles recrues les plus importantes, on peut noter : le milieu défensif croate Mario Vrdoljak arrivé gratuitement des voisins de Picerno ou encore Alessandro Sersanti, un jeune milieu de terrain en prêt de la Fiorentina.
UN NOUVEAU SPONSOR
Une promotion, bien que toujours plaisante, peut rapidement se transformer en un enfer pour les plus petits clubs n’ayant pas forcément l’ambition ou les moyens de pousser pour les premières places de championnat. Le premier objectif est donc de faire « bonne figure » en tentant de se sauver de la relégation sans trop souffrir. C’est exactement le cas de Grosseto qui, n’ayant pas les moyens d’un Pro Vercelli, d’un Perugia ou d’un Bari, doit tenter de faire avec les moyens du bord. Comme nous vous l’expliquions dans l’épisode #1, le club, bien que suffisamment solide pour participer à cette saison de Serie C, était encore à la recherche d’investisseurs locaux pour pouvoir envisager sereinement son recrutement et ainsi étoffer son effectif de façon significative mais surtout qualitative. C’est donc dans cette optique qu’après avoir commencé la saison avec un maillot immaculé sans aucune publicité, le club avec l’aide de la municipalité a réussi à convaincre l’entreprise Ecopolis d’être le sponsor principal du club pour le reste du championnat. Ecopolis étant une société de vente de véhicules de nettoyage urbain disposant notamment d’un point de vente de réparation en ville. Un sponsor écologique et surtout local : exactement conforme aux recherches du président.
La présentation du sponsor en grande pompe à l’hôtel de ville.
LE COÛT COVID
Ça ne vous aura sans doute pas échappé en suivant les divisions supérieures, mais la COVID oblige les clubs à effectuer des tests sur ses joueurs avant chaque journée de championnat. Si le coût supplémentaire des tests est en général « facilement » intégré par les clubs ayant des moyens, les « tampone » peuvent souvent être sources de problèmes quand vous devez déjà tenir un budget limité.
Marco Bigozzi, le directeur de la communication, nous explique très bien les difficultés financières mais aussi logistiques que ces tests imposent : « C’est une année qui est déjà difficile en raison des coûts très élevés inhérents à la Serie C : la fermeture des stades et la situation économique difficile nous ont privés d’autres fonds pour pouvoir maintenir Grosseto en vie dans un championnat très coûteux comme celui de la Lega Pro. La COVID a également rendu les choses plus difficiles en nous faisant ajouter les coûts hebdomadaires des tests – ce que nous faisons avant chaque match – qui atteignent des dizaines de milliers d’euros par mois que le club doit payer lui-même. Nous espérons que la situation s’améliorera bientôt, d’abord pour la santé des gens, puis pour éviter la disparition de nombreux clubs sportifs qui, pour le moment, ne peuvent pas se permettre des coûts aussi élevés et risquent d’être en difficulté à la fin de la saison ». Un coût supplémentaire qui pèse donc lourd pour les petits clubs… et le manque d’aide des pouvoirs publics commence vraiment à agacer au plus haut lieu. Le directeur général du club Filippo Marra Cutrupi allant même jusqu’à menacer de se retirer du championnat si aucune aide ne venait de la part de la Lega. Déclarant que le club était « à genoux » suite au changement de règlement de la ligue ne versant plus les aides promises aux clubs alignant des jeunes : « Nous ne pouvons pas tenir nos engagements malgré le fait de jouer avec cinq jeunes joueurs par match. Dans cette perspective, nous risquons de perdre plus de 200 00 euros prévus dans notre budget (…) je n’exclus pas de retirer l’équipe du championnat. Nous nous attendons à ce que les règles avec lesquelles nous avons commencé la saison soient rétablies car sans celles-ci, il sera difficile de continuer… ».
Le directeur général Filippo Marra Cutrupi au micro de Grosseto TV.
LE PARADOXE DE L’EXTERIEUR
Côté terrain, la base de l’équipe reste la même que l’année dernière avec une charnière centrale composée du capitaine Andrea Ciolli et Matteo Gorelli, l’ajout de Vrdoljak en sentinelle et surtout d’un trio d’attaquants : Filippo Boccardi formé au club, Filippo Moscati et Elia Galligani, véritable leader offensif avec déjà trois buts et deux passes décisives. A noter les belles entrées de Matteo Pedrini, jeune milieu gauche prêté par l’Atalanta et auteur d’un sublime but contre Lecco la semaine dernière. Après 10 journées de championnat, on peut déjà dire que le Grifone aime le spectacle. Les hommes de Lamberto Magrini évoluent dans un 4-3-3 très classique en apparence mais qui peut se transformer en une sorte de 4-3-1-2 cherchant toujours à contrôler le ballon en jouant court et en occupant les espaces avec un Boccardi remplissant souvent un rôle de Trequartista. Avec 4 victoires, 1 nul et 4 défaites, c’est un bilan pour l’instant honorable mais surtout paradoxal : les Biancorossi ont une incapacité chronique à évoluer à leur niveau lorsqu’ils sont à domicile. Toutes les victoires ayant été réalisées à l’extérieur avec 1 seul but pris sur les 8 encaissés depuis le début de la saison et 7 buts inscrits sur les 10…
Le 11 type de Grosseto cette saison.
Il va donc rapidement falloir s’emparer du stade Carlo Zecchini qui semble effrayer les joueurs sans l’appui de leurs supporters. Enfin, pour relativiser, depuis que la Covid a vidé les stades, les victoires à domicile se font de plus en plus rares quelques soit les divisions et les championnats…. Si l’on devait retenir un match pour le moment, c’est ce 0-1 sur le terrain de l’Alessandria le 21 octobre grâce à un but à la 93ème minute de Moscati ! Les fins de matchs à suspens ne sont pas que l’apanage de la Lazio mais aussi de l’US Grosseto, car Boccardi avait déjà obtenu la victoire contre la Pergolettese à la 89ème minute et Galligani avait celé le score du match contre Piacenza à la 91ème minute lors du premier match de la saison.
MÊME DE LOIN, L’AMOUR DES SUPPORTERS RESTE INTACT
Le dernier match contre Lecco le week-end dernier s’est terminé de façon très étrange : alors que le score était de 1-1, un penalty évident pour Grosseto n’a pas été sifflé par l’arbitre… et Lecco marqua ensuite le but de la victoire sur un corner litigieux où Andrea Malgrati, le buteur de Lecco, s’appuie et tire le maillot du défenseur de Grosseto au marquage. L’après-match fut houleux avec de violents échanges entres les grossetani et l’arbitre. À la suite de ces évènements, le président du club Mario Ceri a été suspendu de stade jusqu’en février prochain, l’entraineur Magrini a 3 matchs de suspension et le club condamné à une amende de 10 000 euros.
Bien évidemment, le club tente de se défendre et attaque la neutralité de l’arbitre qui aurait insulté les joueurs du grifone tout au long de la partie, qualifiant Grosseto de « ville de merde ». Poussant le vice-président Simone Ceri à déclarer : « Aujourd’hui, le football a montré qu’il n’était plus un sport crédible. Depuis quelques semaines maintenant, il se passe trop de choses qui ne s’additionnent pas : de la baisse des contributions sur les minutes des sous-joueurs au but annulé à Pontedera, en passant par les penaltys non sifflés, jusqu’au but annulé. Si Grosseto dérange la Lega Pro, ils n’ont qu’à nous le dire et nous nous écarterons. Nous sommes de bonnes personnes et malheureusement, c’est un football où les escroqueries continuent. Ce football est un grand cirque où plus on s’endette, plus on est apprécié : et pour nous donc, être apprécié est impossible. Pour nous, le football est une grande passion et ne sera jamais un moyen de gagner de l’argent. C’est déjà en soi une saison insoutenable : des tests, pas de public et de nombreuses promesses d’aide mais rien de concret en échange. Voir les supporters et leur passion sacrifiée, puis devoir affronter un arbitre qui, après l’erreur commise, a aussi l’impudence et la grossièreté de dire que Grosseto est une ville de m …., qui ne peut pas être en Serie C, c’est inacceptable. Nous sommes des gens humbles et bons, si nous nous retirons, nous devons le faire sur le terrain et non entre les mains de quelques personnes malhonnêtes. Je l’ai déjà dit et je le répète : dans le football, seuls les supporters paient tandis que les vrais criminels sont ligotés et continuent à courir librement. »
Le brassard de capitaine lors du match contre Livorno : littéralement « l’argent et la peur, jamais ».
Des déclarations fortes et pleine de sens surtout quand l’on connait le passé d’ultra du vice-président. Cette sortie a d’ailleurs fait son effet et les supporters – sous l’impulsion de la Curva Nord – ont décidé de lancer une cagnotte afin de réunir la somme nécessaire pour payer l’amende. Ils ont également publié le communiqué suivant : « Quand le nom de notre ville est offensé tout le monde, sportifs ou non, doit se sentir blessé dans son sentiment d’appartenance. Les dirigeants ont répété à plusieurs reprises que l’US Grosseto appartient à tout le monde et nous sommes nombreux à être heureux de cette proximité entre les fans et l’équipe. Donc, étant l’USG (l’US Grosseto ndlr) de toute la ville, le moment est venu de le prouver et d’aider ceux qui ont été injustement condamnés ». L’amour des supporters pour leur équipe n’est jamais à sous-estimer, surtout en Italie. C’est d’autant plus beau sachant que le club se bat avant tout pour rester en Serie C et continuer à exister dans une division difficile et peu médiatisée. Malgré la COVID, il est facile pour un tifoso de la Juve ou de l’Inter de suivre son club même sans aller au stade (surtout pour ceux de la Juve, l’Inter ou la Roma habitués à suivre les matchs depuis leurs salons pékinois). Mais comment font ceux dont matchs rimes avant tout avec tribunes ? Il y a bien la chaîne Eleven Sport qui diffuse (gratuitement depuis le deuxième confinement) l’intégralité des matchs. Mais un long plan large panoramique pendant 90 minutes peut être pénible même pour le tifoso le plus impliqué. Et puis ici, il n’y a pas de faux bruits de stade vous faisant croire que tout est revenu à la normale. Les sons du ballon et des chocs de protèges-tibias résonnent à l’infini en tentant de remplir le vide abyssal des stades… J’ai donc demandé à quelques supporters grossetani comment ils vivaient ce début de saison qui aurait dû être une célébration du retour du football professionnel dans la ville.
Les tifosi de Grosseto dans le centre avec une banderole commémorant l’inondation du 4 novembre 1966.
Antonio Fiorini, tifoso et journaliste, ayant écrit un livre sur Grosseto, explique : « Le foot sans aller au stade est simplement fou. Je vis mal cette saison, je ne comprends pas le sens du foot sans spectateurs en Serie C . Nous, supporters, ne pouvons faire rien d’autre que rechercher toutes les nouvelles à la télé et dans les journaux, mais ce n’est que palliatif. » Même son de cloche du côté de Francesco Roggiolani : « Pour moi, ne pas pouvoir aller au stade mais seulement suivre à la télévision, en ce moment, c’est comme avoir un verre incassable entre toi et ta femme. Je pense à la façon dont j’aurais pu profiter des victoires à l’extérieur à la 90e minute (déjà 2) et je pense à la façon dont j’aurais été en colère contre le but injustement annulé contre Gorelli à Pontedera. Ne pas pouvoir aller au stade vous prive de toute la saveur et de la passion d’accompagner les joueurs : chanter et rentrer à la maison sans voix, se mouiller quand il pleut, applaudir et crier avec des amis. À l’heure actuelle, la seule alternative est la télévision, mais ce n’est pas la même chose ». Il ajoute sur ce beau début de saison : « Grosseto est un club sain qui se concentre fortement sur le groupe. Après ce bon début, je pense que nous devrions confirmer avec quelques performances pour se sauver au plus vite, ce qui semblait au début très difficile : à chaque match, il y a au moins 6-7 joueurs de Serie D, sans aucune expérience en C. On a 10 joueurs sur 11 qui ont été sur le terrain la saison dernière. Certains viennent même d’Excellenza. Donc je pense que l’objectif est avant tout de se sauver pour se consolider à cet échelon, le reste ce n’est que du bonus ». Ne pas s’enflammer et profiter, c’est exactement dans cet état d’esprit qu’Antonio Fiorini voit le reste de la saison avec une analyse que ne renierait pas Guy Roux : « L’objectif reste le maintien en Serie C, pour le moment. On verra en hiver si l’équipe peut ambitionner a quelque chose en plus ». Un mercato d’hiver que commence justement à travailler le directeur sportif Vincenzo Minguzzi, qui ne cache pas que la situation demeure extrêmement inquiétante à cause du COVID : « Il est encore tôt et la situation du marché est préoccupante. J’ai déjà de nombreuses pistes et je sait quoi faire. Ce sera alors au club et au Mister de faire leurs choix ».
Garder la tête sur les épaules et continuer à avancer humblement malgré les circonstances et certaines décisions étranges. C’est sans doute la meilleure des solutions et la plus saine pour un club comme Grosseto. Après deux défaites consécutives contre la Carrarese et Lecco, les Biancorossi affrontaient Livorno… et quoi de mieux qu’un derby pour se relancer ? Dans un match qui avait un goût particulier pour de nombreux fans – rappelez-vous, c’est Livorno qui avait éliminé Grosseto lors de la demi-finale des playoffs de Serie B en 2009 – nos Biancorossi se sont imposés à la dernière seconde du temps additionnel sur un magnifique contre conclu par Giuseppe Sicurella ! 3 points qui font du bien et qui viennent récompenser un groupe résilient qui aura réussi à contenir les assauts de l’ex pensionnaire de Serie B pour enfin décrocher une première victoire à domicile cette saison ! Prochain rendez vous mercredi après midi (15h) contre les moins de 23 ans de la Juventus.
Chez SerieBellissima, on ne s’en cache pas, nous aimons le calcio des divisions inférieures. Sa passion, son engagement social et surtout ses belles histoires, dernier bastion d’un football à visage humain dans un sport qui tend à être de plus en plus aseptisé. C’est ainsi que l’idée est née de suivre un club tout au long de la saison en étant quasiment à « l’intérieur » : et quoi de plus romantique et gage de suspense que de suivre un club en plein processus de renaissance, à la recherche de rédemption après des années de purgatoire dans les divisions amateurs : l’US Grosseto 1912. Voici le premier épisode de notre série.
UN PARCOURS TUMULTUEUX
Pourquoi Grosseto ? C’est simple, le club représente tout ce que nous aimons : nous nous sommes reconnus dans l’histoire de ce club qui a connu la joie de la Serie B puis souffert de propriétaires véreux, la faillite et qui cherche maintenant à renaitre grâce à des propriétaires locaux : la famille Ceri dont le président est un ancien ultra du club.
Si vous vous demandez où situer Grosseto sur une carte, en voici la réponse.
L’histoire de l’US Grosseto, c’est plus ou moins la même histoire que beaucoup de petits clubs de régions. Peu d’argent, quelques belles années sportives surfant sur une bulle inflationniste puis une faillite dû à une mauvaise gestion et un propriétaire lassé de ne pas accéder à son rêve de Serie A. Petit retour en arrière : en 2006, le club remporte la Serie C et accède pour la première fois de son histoire en Serie B. Après une première saison terminée à une honorable 13ème place, le club investit l’année suivante et termine à une sixième place synonyme de play-off pour la promotion dans l’élite.
Photo de famille pour fêter la montée en Serie B. Saison 2005/2006.
Malheureusement le club échouera en demi-finales contre les voisins du Livorno qui finiront eux par monter en Serie A. Le club ne fera plus jamais mieux et lors de la saison 2012, il termine bon dernier après avoir écopé d’un retrait de 6 points suite au scandale Calcioscommesse. Piero Camilli, le président de l’époque, arrête d’investir et se retire du club en 2015 après des accusations de fraudes. Grosseto repart de la Serie D et disparait totalement l’année suivante.
C’est à ce moment que la famille Ceri, des natifs de Grosseto et propriétaires d’un petit club amateur de la région : l’Associazone Calcio Roselle, proposent de récupérer Grosseto et de faire renaitre le club avec l’effectif de l’AC Roselle. La suite est magique : champions d’Eccellenza en 2018 puis de Serie D l’année dernière. Le club retrouve aujourd’hui le premier échelon professionnel : la Serie C. où il évoluera dans le groupe A dont la particularité est le grand nombre de clubs Toscan : la Lucchese, la Pistoiese, la Carrarese et, surtout les retrouvailles, avec Livorno…. Tout est réuni pour continuer à faire grandir le club et à le pérenniser en Serie C : ils obtiennent même l’usufruit du centre d’entrainement des Roselle, l’un des plus grands et modernes de Toscane après celui d’Empoli. Un avantage certain que le club tentera d’exploiter au mieux au quotidien et, bien évidemment, pour attirer les meilleurs joueurs.
Le nouveau centre d’entraînement de Grosseto a été construit en à peine plus d’un an et a coûté trois millions d’euros.
DE LA SERIE D A LA SERIE C : L’EVOLUTION A UN PRIX.
Qui dit nouveau championnat dit nouvelle stratégie et nouveaux objectifs. Cette saison, les clubs relégués comme Perugia ou Livorno vont immédiatement chercher à remonter, d’autres fraîchement promus comme Palermo tenteront de réussir deux montées consécutives comme Parma il y a quelques années. Pour certains (avec les moyens d’un propriétaire plein aux as, comme Monza depuis l’arrivée de Berlusconi…), cela passe par un gros recrutement de joueurs habitués à cet échelon. Pour d’autres, aux moyens et ambitions plus limités, la stratégie consiste à se transformer en satelitte non officiel des plus gros clubs et c’est comme ça que des hordes de jeunes joueurs débarquent pour des projets sportifs à court terme, limités à une simple saison. Ciro Immobile fût par exemple prêté à Grosseto en 2011 lors de leur avant dernière saison en Serie B.
Mais pour la famille Ceri, hors de question de changer la stratégie mise en place lors du rachat du club, à savoir : réussir à ancrer le club territorialement en exploitant un maximum le vivier local et surtout ne pas s’endetter. Les propriétaires n’étant ni américains ni chinois, Grosseto devra faire avec des moyens limités et tenter de garder une cohérence économique car comme le président le dit, le Grosseto appartient avant tout à la Serie C. Il faut savoir qu’une saison en Serie C coûte environ 1,5 million d’euros. Quasiment le double du budget d’une saison de Serie D qui se chiffrait entre 600.000 et 700.000 pour Grosseto l’année dernière. Si en plus de cela, vous ajoutez la crise sanitaire, le premier objectif de Grosseto cette saison est de trouver de nouvelles sources de financements…
La bonne nouvelle c’est qu’une des principales solutions vient directement de la Lega et est surtout en accord avec la politique du club : miser sur les jeunes. En effet, il existe une aide financière de la Lega récompensant financièrement les clubs alignant des jeunes joueurs dans les matchs de championnat et ce afin de favoriser l’éclosion des jeunes talents. Sans rentrer dans les détails, les primes varient selon l’âge du joueur, son club de formation, le nombre d’années passées au club et le nombre de minutes jouées par match. Plus le joueur est jeune, plus l’indemnité est élevée : de 40 euros à plus de 180 euros par minute. Par exemple, l’indemnité pour un jeune de moins de 18 ans formé au club est de l’ordre de 130 euros par minute jouée… et s’il n’est pas en prêt d’un autre club mais issu du centre de formation et présent depuis plus de trois ans : l’indemnité est de 200 euros par minute jouée…. Faites le calcul : c’est très rentable et permet à un club de financer un salaire annuel complet sur seulement quelques matchs. C’’est même surtout le seul moyen de faire vivre une petite équipe sans l’endetter.
Grosseto possède un grand vivier de jeunes talents locaux.
Mais la grande surprise de cet été et de la recherche de nouveaux investisseurs locaux fût la tentative de rachat du club par un mystérieux groupe du Nord de l’Italie. Trois semaines de tractations qui ont littéralement mis le recrutement sur pause et n’ont finalement débouchées sur rien, faute de garanties de la part de ce mystérieux consortium incapable de fournir la somme suffisante pour rassurer la famille Ceri de laisser le club dans de bonnes mains… Une décision pleine de sagesse tant les mauvais exemples de clubs rachetés puis abandonnés par des investisseurs véreux sont légions.
LA MAREMMA NON CI APPARTIENE : SIAMO NOI CHE APPARTENIAMO A LEI
Une grande campagne d’abonnements a été lancée pour ancrer le club dans la région et montrer qu’il est possible pour les habitants de suivre une vraie équipe de football à laquelle ils peuvent s’identifier. En effet, la politique du club est de réussir à rassembler et fédérer les habitants autour d’un même projet et d’une identité sportive. Créer une nouvelle génération de jeunes footballeurs et supporters unis derrière le Grifone plutôt qu’hypnotisés par les mirages des clubs de Milan ou de la Juventus. C’est dans cette optique que le club a décidé d’offrir l’abonnement TV à ses supporters pour regarder les matchs du Grosseto tant que la crise sanitaire oblige les stades à être fermés.
Affiche de la campagne d’abonnement saison 2020/2021.
Et ce ne sont pas de simples paroles. Ce désir de jeunesse et de faire de Grosseto un synonyme de magie pour les jeunes supporters tient à cœur au président Mario Ceri, qui fût même capo des ultras de Grosseto il y a 20 ans et qui préfère assister aux matchs sur la pelouse sous la Curva Nord plutôt qu’en tribune présidentielle. Lorsqu’il entend parler de l’histoire d’un jeune supporter du club habitant la petite île du Giglio en face de Grosseto, qui a envoyé une lettre à babbo natale pour demander un maillot des biancorossi, le président décide de répondre personnellement à l’enfant et ne se contente pas de lui offrir l’uniforme complet du club : mais aussi de l’inviter lui et sa famille à venir assister à un match en tribune d’honneur et de rencontrer les joueurs. Cette histoire n’est pas un cas isolé tant Ceri aime son club et ferait tout pour lui.
Le président Mario Ceri et son fils assistant ensemble aux rencontres à domicile de Grosseto… sous la Curva Nord.
UNE SAISON POUR GRANDIR ENSEMBLE
Vous l’aurez donc compris ,c’est pour tout cela que nous avons donc décidés nous aussi de nous abonner pour cette saison et d’officialiser la relation entre SerieBellissima et l’US Grosseto. Nous avons pu rencontrer le directeur général du club Filippo Marra Cutrupi et le directeur de la communication Marco Bigozzi qui sera notre principal interlocuteur et guide pour cette saison. Bien évidemment nous la vivrons à distance mais dès que possible, nous nous rendrons sur place pour vivre une journée de Serie C.
Nous vous proposons donc de suivre cette saison de Grosseto avec un article mensuel résumant les derniers matchs et, surtout, avec une interview d’un membre du club différent à chaque fois. Nous allons pouvoir discuter de cette saison avec le directeur sportif, les joueurs, le président ou encore les physios. Pour vivre de l’intérieur le quotidien d’un club de Serie C et comprendre la réalité de ce football très éloigné de ce que nous avons l’habitude de voir. Nous espérons que vous serez nombreux à nous suivre, que ce beau projet vous passionnera autant que nous et que nous arriverons à vous donner envie de suivre et participer à un football différent.
Tout commence ce dimanche avec un déplacement compliqué à Piacenza, habitué de la Serie C depuis quelques saisons et souvent bien placé dans les places pour les playoff. Ça sera un vrai premier test pour notre jeune équipe dans un championnat très homogène. Le tout après une intersaison compliquée à cause du rachat avortée ,mais plutôt réussie au final si l’on regarde le recrutement et surtout les résultats des matchs amicaux : une victoire contre Pisa pensionnaire de Serie B et une défaite contre un concurrent direct à la montée, la Vitterbese. Deux matchs où les joueurs ont montrés de belles choses, où ils ont toujours tentés de jouer un football protagoniste et offensif.
PROSSIMAMENTE…
La prochaine fois, nous parlerons du début de championnat, de l’intégration des recrues et donnerons la parole aux ultras pour comprendre comment ils vivent ce retour en Serie C sans être au stade… Affaire à suivre d’ici un petit mois sur SerieBellissima !